Perla Servan-Schreiber : “La vieillesse n’est pas ce que je croyais !”

Alors que le jeunisme règne encore dans notre société, l’inspirante Perla Servan-Schreiber, auteure et veuve de Jean-Louis Servan-Schreiber, nous partage sa vision positive de la vieillesse, loin des clichés.

Il y a trois ans, dans votre livre Les Promesses de l’âge (Flammarion), vous disiez “aimer vieillir”. Pour quelle raison ? 

Perla Servan-Schreiber : Parce que vieillir est assez joyeux ! On ne me l’avait pas dit ! C’est la découverte de la simplicité et de la liberté. Ce ne sont pas les mots les plus souvent associés à la vieillesse, mais ce sont des sensations nouvelles, inédites. On apprend à s’alléger. On peut continuer à avoir des activités rémunératrices ou bénévoles, mais on n’a plus de comptes à rendre si ce n’est à soi-même ! Certes, il y a des renoncements, car le corps change. Mais plus le corps se limite, plus l’esprit s’enrichit ! L’essentiel de ma vie affective, aimante, professionnelle est derrière moi. Toutes ces préoccupations qui peuvent peser longtemps sur une vie, n’existent plus.  Quand on a la chance de ne pas avoir de maladie grave, on a une liberté totale. Vieillir est une aventure.

Écririez-vous le même livre aujourd’hui ?

Perla Servan-Schreiber : Bien sûr, même si la vie a basculé pour moi en novembre 2020 avec le décès de mon mari [le journaliste Jean-Louis Servan-Schreiber]. J’ai eu la chance de vivre un amour exceptionnel pendant 35 ans. Je suis portée par une famille magnifique, des amis extraordinaires. Malgré ces événements que je vis dans la chair, je publie le 21 octobre un nouveau livre, Mes 77 secrets de vie (éd. La Martinière). J’y évoque une poignée de choses qui disent que la vie est plus simple qu’on ne le croit et qui peuvent éclairer une partie de notre chemin. Ce ne sont pas des conseils, mais des secrets qui permettent davantage de se poser des questions plutôt que de trouver des réponses. Je l’appelle “mon livre doudou”, car il tient dans la main ; on peut le glisser dans sa poche, pour toujours l’avoir sur soi !

On est loin de l’image véhiculée dans les médias ou dans la société sur la vieillesse ! Quelle est la réalité actuelle ?

Perla Servan-Schreiber : J’appartiens à cette nouvelle génération des baby-boomers qui, aujourd’hui, découvrent une nouvelle forme de vieillesse. Elle n’est écrite nulle part, elle n’a pas été prévisible. À l’époque de ma grand-mère, on devenait une vieille dame dès la ménopause, dès qu’on n’arrivait plus à faire des enfants, parce que c’était la fonction essentielle de la femme. On est loin de tout ça, heureusement. On est sur une autre planète. Une personne de 70 ans n’est pas du tout dans le grand âge. Quand je dis aux gens que j’ai 77 ans, ils me disent que je ne les fais pas. Et on le dit à tant d’hommes et de femmes ! Le grand âge commence seulement à 90 ans. Et 90% des nonagénaires ne sont pas malades ! La transformation est si rapide à l’échelle de l’histoire humaine qu’on a encore du mal à la percevoir. Chaque évolution exige une prise de conscience. Cet imaginaire va mettre encore une génération à se transformer.

Comment transformer cet imaginaire commun ?

Perla Servan-Schreiber : Il faut des livres, des pièces de théâtre, des peintures, des sculptures… Témoigner de cette nouvelle réalité est très important. “L’âge a rajeuni”, comme le disait avec humour le sociologue Serge Guérin. À 77 ans, bientôt 78, je ne me dis toujours pas que je suis une “vieille femme”. Je ne marche pas comme une vieille, je ne m’habille pas comme une vieille. Ma petite-fille est très contente de pouvoir parfois m’emprunter des vêtements ; moi, jamais je n’aurais pu emprunter une robe à ma grand-mère ! Mais sociologiquement… si je ne suis pas vieille, je ne suis pas jeune non plus ! Cette nouvelle vieillesse n’a pas de nom. C’est horrible parce que tout ce qui n’est pas nommé n’existe pas.

Vous qui prônez l’acceptation de soi, que pensez-vous du terme “anti-âge”, notamment dans les cosmétiques ? Faut-il faire la guerre à ce terme ? Ou la paix avec lui ?

Perla Servan-Schreiber : Selon moi, la démarche de paix est la seule possible car c’est la plus efficace. Faire la guerre à son âge c’est faire la guerre à soi-même. Hélas, nous sommes encouragés à faire la guerre à notre âge par l’industrie cosmétique et même alimentaire. Que l’on ait envie d’apporter des solutions provisoires, c’est compréhensible. Chacun a ses obsessions (les bras, les seins, etc…). Si l’on ne s’accepte pas, il devient très compliqué d’aller à la rencontre des autres. Or la relation aux autres est le pivot d’une vie. Il existe beaucoup de choses pour réparer momentanément les traces du temps et se sentir mieux. Chacun est libre. Mais il ne faut surtout pas penser que c’est pour rajeunir. On ne devient pas à nouveau jeune grâce à un traitement ou à un bistouri. On peut juste avoir un meilleur teint ou une plus jolie silhouette… Rajeunir, certainement pas ; rester vivante, oui.

Quelle est la clé pour bien vieillir ?

Perla Servan-Schreiber : Je pense qu’il faut se donner comme projet de rester vivant et non de rester jeune ! En étant en lien avec les autres, puisque le drame de la vieillesse et de la retraite, c’est l’isolement. D’où mon obsession d’être toujours active, tant que ma santé me le permet. Il y a des transformations… C’est par là que passe la vie. On doit s’adapter, apprendre sans arrêt et tenter de nouvelles expériences. J’essaie de comprendre le monde numérique avec mes petits-enfants, qui ont la bienveillance de m’initier. J’ai ouvert un compte Instagram. Je me suis mise à écrire des SMS quand j’ai compris que c’était le seul moyen pour rester en contact avec mes petits-enfants. Et encore, ils ne répondent pas très vite ! (rires).

Un conseil à partAger avec nos lecteurs ?

Perla Servan-Schreiber : J’ai une règle de vie. Je n’y parviens pas toujours mais c’est la seule que j’aie : il s’agit de “l’acceptation joyeuse de la réalité”. L’acceptation est vitale. Quand j’ai eu mon cancer du sein, dans la salle d’attente, j’ai été étonnée du nombre de personnes qui disaient “Pourquoi moi ?” et qui refusaient leur cancer. Je les comprends mais, malheureusement, ce n’est pas la meilleure des solutions. Les femmes qui refusent l’idée même d’avoir un cancer laissent passer trop de temps avant de se faire opérer, alors que le temps est justement primordial. Ne pas accepter est dangereux. L’acceptation permet de se mettre en route à partir de la réalité et de choisir l’action juste. Vivre l’événement avec tristesse n’y changera rien.

Vous avez publié plusieurs livres de cuisine. Quelle recette feel good nous recommanderiez-vous ?

Perla Servan-Schreiber : Ma recette préférée ? Rire ! Si c’est une recette à manger, difficile de choisir… ! Je dirais un bon plat de pâtes. Mais j’ai une grande faiblesse dans la vie, une passion : la pizza.